Plongée au cœur de l’architecture rurale islandaise

Pas besoin d’avoir posé ses pieds sur l’île pour se représenter l’Islande. L’imaginaire vernien nous précède: étendues stériles, cascades, fjords, cratères, glaciers, volcans… et mille autres phénomènes enfantés tous par mère nature.

On oublierait presque qu’il existe une Islande issue du travail et de la créativité des islandais : celle qui permet de reprendre son souffle et de se remettre des chocs émotionnels subis à chaque détour de la route 1. C’est ce que j’appellerais « l’Islande des hommes » et de celle-là, je trouve que l’on ne parle pas assez.

Je pense particulièrement aux Turf houses, discrètes et bien planquées, comme pour se cacher de la foule et ne se dévoiler qu’à ceux qui les méritent. Aux amateurs de sentiers moins battus? A vous qui êtes toujours là comme moi, prêts à faire des détours vers les coins le plus authentiques ?

Difficile de tomber sur le livre Large Turf Houses de Björn G. Björnsson lors des préliminaires de mon voyage puisque cet ouvrage documenté est introuvable en dehors de l’île (même pas chez Mr Amazon !). L’heureuse découverte je la dois à la sélection des bouquins rangés dans le salon de la Laugar Guesthouse où j’ai séjourné (peut-être aussi au fait que je ne sais pas garder mes mains dans les poches), mais surtout à l’enthousiasme et les bons conseils de son hôte Baldur qui a tout de suite compris que nous étions sur la même longueur d’onde touristique. Coup de cœur foudroyant et une envie irrépressible d’aller y faire un tour 😉

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Pendant mon séjour, je suis donc partie à la recherche de ces curiosités issues de la tradition rurale islandaise qui, bien que loin des merveilles de la nature, risquent fort de se retrouver un jour dans la longue liste de l’UNESCO.

Disséminées autour de l’île, cachées et exigeant de légers détours de votre itinéraire, elles méritent sincèrement qu’on s’y attarde. Vous en croiserez une petite partie au hasard de vos circuits alors que d’autres fois, cela vous demandera de parcourir de longues distances dans le seul but de les photographier. Et pour moi, franchement, c’est sans regret !

Les Turf houses ou farmhouses sont des bâtiments construits à partir de tourbe, de roche et de bois. On les fabriquait plus ou moins solides en fonction de la matière première qu’on avait sous le coude dans chaque région du pays. Encore occupées à la fin du XXème siècle, leur apparence très humble s’avère trompeuse, car elles étaient bien plus souvent des habitations réservées aux classes aisées (nobles ou prêtres) que des abris à l’usage du bétail. Après une prise de conscience collective sur la valeur historique de ces ensembles, et une restauration consciencieuse qui se développe progressivement, certaines abritent aujourd’hui des musées sur le patrimoine et la culture du pays.

Les islandais en parlaient avec un tel intérêt et fierté qu’ils ont réussi à booster mon envie de découvrir ces petites maisonnettes toujours ancrées dans des paysages bucoliques (encore merci Baldur !). Avec l’aide des locaux nous avons repéré pas mal de ces coins photogéniques car beaucoup, en pleine restauration, n’apparaîtront pas dans vos cartes routières. Il suffit dans ce cas de demander son chemin aux villageois qui partagent volontiers leur cachette.

Ils sont même très contents qu’enfin des visiteurs s’intéressent à « l’Islande des islandais », puisqu’en ce qui concerne les phénomènes naturels ils ne peuvent, en aucun cas, se vanter d’en être les bâtisseurs.

Voici mon petit circuit pour les amateurs de curiosités rurales :

  1. Glaumbaer.

    A une distance raisonnable d’Akureyri, ensemble charmant et original aux boiseries jaunes. Une averse est venue noircir le ciel et j’ai fait dans la sur-saturation, il faut d’urgence que je démarre mes cours de photo !

  1. Laufás.

    Toujours près d’Akureyri, cet ensemble est très bien conservé donc… ça sent bien le tourisme ! Superbe vue sur les montagnes enneigées environnantes. Les boiseries rouges sont magnifiques.

  1. Grenjadarstadur.

    Dans le nord de l’île, quelques constructions en plein milieu d’une vallée verdoyante et solitaire. Il semblerait que les locaux se soient mis d’accord pour boycotter à coup de bombe le projet de construction d’un barrage qui devait inonder ces magnifiques paysages. Ensuite, interrogés par la police un par un, ils ont tous plaidé coupable. C’est pas beau, la solidarité ?

  1. Pverá.

    Isolée dans la vallée du Laxárdalur, joli village en pleine restauration. Le petit voisin qui garde un œil sur les lieux nous a ouvert les portes grâce à l’intercession de nos hôtes Baldur et Ragna à Laudar. Tout fier qu’il était d’être né dans ces bâtiments aux murs de lave, Monsieur nous a laissé fouiner librement dans le chantier surtout parce que la communication en islandais n’était pas très fluide entre nous…

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  1. Sel.

    Belle surprise au détour d’une rando dans le Parc National de Skaftafell, dans le sud de l’île. La perspective sur le désert de sable noir est époustouflante.

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  1. Nýibaer.

    Dans le petit village de Holar, sur la peninsule de Trollaskagi. Cette ancienne demeure appartenant à un évêque est exceptionnellement conservée.

Nyibaer_Iceland

Ceci n’est que ma sélection personnelle des patelins ou lieux-dits les plus photogéniques et les mieux conservés. Cette carte tirée de la publication de Björn G. Björnsson pourra vous aider à en situer quelques uns.

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Vous découvrirez plein d’autres Turf houses sur des routes moins transitées. Alors, toujours prêts à vous accorder un petit détour entre deux volcans… ? Quelles autres curiosités « made in Iceland » vous auraient conquis, vous ?

10 commentaires sur « Islande : Not just fire and ice »

  1. Encore un article excellent sur l’Islande, en dehors des sentiers battus, mon genre de tourisme, en somme ! Une vraie mine d’or pour une visite intelligente ! (tout comme tes autres billets de voyage d’ailleurs)

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    1. Merci Eastsidepigeon! Oui, en effet l’architecture rurale est un peu hors des sentiers battus et beaucoup moins impressionnante que les randos et sites étoile. C’est l’avantage de visiter hors saison car certains endroits étant rendus impraticables à cause de la météo, on peut prendre le temps de trouver des détours. Je vais peut-être me calmer sur l’Islande maintenant que notre installation semble se stabiliser, mais je pourrait t’en faire des post sur l’Islande moi! 😉

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  2. Cette histoire des habitants qui posent des bombes et qui ont tous plaidé coupable, c’est vrai que c’est beau! 🙂
    Est-ce que ces maisons sont encore habitées ou elles ne sont restaurées que pour le tourisme? Ça me fait penser aux « tiny houses », j’imagine bien une atmosphère très cosy à l’intérieur.
    Je tiens à dire que tu as une très belle plume. Lire tous ces articles est vraiment agréable. Bravo pour ce beau travail d’écriture 🙂

    Je viens de lire les articles sur Anvers (les commentaires y sont fermés donc je réponds ici), ça donne envie! J’y suis déjà allé pour le zoo quand j’étais enfant mais je m’en rappelle à peine. Il est temps que je me décide à y refaire un tour. Je pensais visiter Gand très prochainement mais je vais peut-être privilégier Anvers… Pour la bière qui est vieillie, je connais pas mal de personnes qui font vieillir l’Orval par exemple. C’est une bière trappiste qui provient non loin d’où j’habite. Au plus elle est vieille, meilleure elle est!

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    1. Oui, oui l’anecdote du bombing est vraie. Trop brut de décoffrage ces islandais, je te jure! Pour les maisonnettes, elles ne sont plus habitées mais leur restauration commence à intéresser la population. Je crois qu’ils y voient là pas mal d’enjeux pour l’Unesco.
      Merci, merci pour tes compliments je crois que j’ai même rougi…
      Et passe un weekend à Anvers si tu en as l’occasion, c’est sûr que tu aimeras. Moi, j’avais regretté de ne pas avoir eu le temps de faire une visite approfondie du port industriel 😦

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    1. Oui, oui, ça change de toutes ces déjections basaltiques et autres volcans impressionnants! C’est en effet une découverte alternative que j’ai accueillie avec grand plaisir mais celle qui a volé mon cœur est décidément la rando!

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  3. Superbe photographie, et qu’elle surprise que ces maisons de tourbe. Je n’ai jamais rien vu de pareil. Tu nous donne le goût de les voir sur place, et la curiosité d’en voir l’intérieur. Dans la toute première photo les maisons paraissent intégrées au paysages dans lequel elles semblent disparaître pour mieux résister aux intempéries. Pour tout dire, une architecture profondément adaptée aux besoins et au paysage. Génial !

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    1. C’est bien cela. Souvent les maisons sont parfaitement intégrées et respectent la pente du terrain, ont dirait qu’elles ont poussé là comme des champignons. L’une d’entre elles m’avait particulièrement frappé car les habitants avaient carrément construit la maisonnette à cheval sur un cours d’eau, n’ayant donc pas besoin d’aller ailleurs s’approvisionner car l’eau arrivait directement dans leur cuisine. Trop forts ces islandais! 🙂

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